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Parole aux leaders

Quel avenir attend les doctorants?

L’emploi chez les titulaires de doctorat est un enjeu crucial qu’on ne peut négliger.

par MARTHA CRAGO | 09 SEP 15

Les compétences dont auront besoin les doctorants au cours de leur carrière retiennent beaucoup l’attention ces derniers temps. Compte tenu de données récentes bientôt publiées par le Conference Board du Canada selon lesquelles seulement 20 pour cent des futurs titulaires de doctorat au Canada obtiendront un poste de professeur menant à la permanence, la question mérite de fait une attention considérable de la part des étudiants aux cycles supérieurs, des professeurs et des administrateurs universitaires.

Permettez-moi de prendre pour exemple ma propre trajectoire professionnelle. Après ma maîtrise, j’ai dirigé une clinique de démonstration en orthophonie et obtenu une charge de cours dans une université. J’ai ensuite enseigné l’anglais langue seconde en France pendant quelques années, avant de revenir au Canada pour travailler comme clinicienne et chargée de cours. J’ai finalement fait le saut au doctorat, au terme duquel j’ai obtenu un poste menant à la permanence. Je me suis vite retrouvée à la tête de divers projets et d’un laboratoire de recherche, responsable des services financiers, de la gestion des installations, de la paie et des budgets. Je n’ai jamais été formée pour ce genre de tâches. J’ai appris avec l’aide de mes collègues et du personnel de soutien de l’université. Six ans plus tard, je suis devenue doyenne aux études supérieures et postdoctorales, et vice-principale adjointe aux programmes d’études. Ces postes exigeaient diverses compétences : il fallait recueillir des fonds et diriger des ateliers de supervision, connaître les rouages des gouvernements et voir à la planification stratégique pour l’ensemble de l’université. Chaque promotion et chaque nomination (entre autres comme vice-rectrice dans deux établissements) ont entraîné de nouvelles responsabilités et de nouveaux apprentissages, notamment en ce qui a trait au français.

Tout au long de cette carrière fort agréable, un constat s’est imposé : ce type de parcours requiert un apprentissage permanent et l’acquisition constante de nouvelles compétences. Mon expérience ressemble à celle de nombreux universitaires qui entrent et sortent de la sphère de l’université et occupent des postes d’administrateurs. Très peu d’entre nous ont reçu une formation en gestion ou en administration.

La situation des titulaires de doctorat qui font carrière hors du milieu universitaire présente des complications diverses. Tout d’abord, aux cycles supérieurs, les occasions d’acquérir de l’expérience et de se créer des réseaux à l’extérieur de l’université sont souvent limitées. La plupart des doctorants ont également eu pour mentors des professeurs n’ayant jamais quitté l’université, qui n’ont souvent pas les compétences et les connaissances nécessaires pour les préparer à une carrière différente. En outre, certains professeurs sont déçus du fait que leurs étudiants poursuivent une carrière hors de l’université, et certains étudiants ont peur de leur annoncer qu’ils ne deviendront pas chercheurs universitaires. Pour compliquer encore les choses, certains organismes subventionnaires américains tiennent compte de la carrière universitaire et des publications des étudiants aux cycles supérieurs dans l’évaluation des demandes de subvention de recherche de leur professeur. Pour leur part, beaucoup d’employeurs hors du milieu universitaire connaissent mal le genre de compétences et de connaissances que procure un doctorat, et comment en tirer parti dans leur contexte particulier. Certains croient que les titulaires de doctorat ne sauront pas s’adapter à l’entreprise. Le peu de place accordé à la recherche et au développement dans les entreprises canadiennes constitue une dernière contrainte. On observe la tendance inverse en Allemagne, par exemple, où les entreprises embauchent de nombreux titulaires de doctorat.

Les titulaires de doctorat se retrouvent dans des milieux professionnels très variés. Des postes s’offrent à eux tant au gouvernement que dans des organisations à but non lucratif et dans le secteur privé. Par conséquent, en plus des aptitudes en recherche, en rédaction et en communication acquises pendant leurs études, ils ont besoin d’autres types de compétences, qui varient selon la discipline et la carrière visée.

Au cours des 15 dernières années, beaucoup d’universités canadiennes ont commencé à offrir aux étudiants des ateliers de formation axés sur les compétences professionnelles non universitaires (dont les ateliers GradProSkills de l’Université Concordia et MyGradSkills.ca des universités ontariennes). Les universités organisent également des salons de l’emploi pour mettre les étudiants aux cycles supérieurs en contact avec différents types d’employeurs. De nombreux étudiants en sciences, en technologie, en génie et en mathématiques ont pu acquérir de l’expérience dans le secteur privé grâce aux stages de recherche et au programme Étapes de Mitacs, à des formations offertes dans le cadre du programme FONCER du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, et à divers stages doctoraux et postdoctoraux offerts par l’industrie.

Cette évolution est positive, certes, mais il faut poursuivre les efforts pour les doctorants en sciences humaines. Paul Yachnin et Leigh Yetter (2015) jettent un regard neuf sur les futures orientations du doctorat en sciences humaines dans leur article publié dans Options politiques, et abordent le sujet lors de conférences et d’autres initiatives financées en partie par le Conseil de recherches en sciences humaines. Ils soulignent les nombreuses et très utiles aptitudes des titulaires de doctorat en sciences humaines.

Voilà 15 ans maintenant que j’ai quitté mon poste de doyenne aux études supérieures et postdoctorales à l’Université McGill. À l’époque, au moment où McGill tenait son premier salon de l’emploi non universitaire pour les étudiants aux cycles supérieurs, les organisations nationales canadiennes prévoyaient encore que le nombre de postes universitaires menant à la permanence excéderait le nombre de diplômés des programmes de doctorat. Non seulement ces prédictions ne se sont-elles pas avérées, mais on a assisté au phénomène inverse. La question de l’emploi hors du milieu universitaire pour les titulaires de doctorat est devenue un enjeu crucial qu’on ne peut négliger.

Martha Crago est vice-rectrice à la recherche à l’Université Dalhousie.

 

À PROPOS MARTHA CRAGO
Martha Crago
Martha Crago is vice-president, research, at Dalhousie University. Her column appears in every second issue of University Affairs.
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