Alors que tout le pays était invité récemment à se recueillir pour la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, l’ensemble des universités canadiennes prenaient part à la sixième édition du Forum national sur la réconciliation qui se tenait au Québec pour la première fois, en septembre dernier.
Ce forum organisé par le réseau de l’Université du Québec et par l’Université Laval, en partenariat avec les organisations autochtones œuvrant en éducation au Québec, a réuni virtuellement plus de 400 personnes. À la demande des partenaires autochtones, l’événement était tourné vers l’action et la prise d’engagements.
Pour marquer cette ambition, nous avions retenu comme thème de ce forum « S’engager dans les pas des étudiantes et étudiants des Premiers Peuples ». Ces quelques mots résument ici toute une vision : celle d’une université qui répond et s’adapte aux réalités et aux besoins des Premiers Peuples, pour s’assurer de bien les accueillir et de les accompagner sur le chemin de la réussite.
Le chemin de la réconciliation est un long processus dans lequel chacun.e a une responsabilité pour faire avancer cet important projet de société, comme nous l’ont rappelé plusieurs participant.e.s lors du forum, dont le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard. Il subsiste de nombreux défis concernant la réconciliation en éducation. Le point de départ est certainement de mieux nous connaître et d’entrer en relation d’égal à égal afin d’établir des rapports respectueux.
Comme chef.fe.s d’établissements, notre rôle consiste entre autres à être les gardien.ne.s d’une vision qui mobilise toutes nos communautés universitaires. En 2021, nous savons que l’accessibilité pose des défis différents selon les personnes, leurs parcours et leurs expériences. Et nous reconnaissons que nous devons porter une attention particulière aux membres des Premiers Peuples et aux milieux de vie les accueillant sur nos campus. Notre chance, c’est que nous pouvons construire sur l’expérience des universités qui sont déjà engagées depuis des décennies dans ce travail de reconnaissance des besoins des étudiant.e.s autochtones. Nous pouvons nous inspirer des moyens innovants qui ont été développés à travers tout le pays pour y répondre. La force du travail collectif peut nous aider à avancer plus loin, et plus rapidement.
Tout au long du forum, nous avons entendu le témoignage de nos 11 personnes ambassadrices, étudiantes ou diplômées, originaires de chacune des Nations au Québec. Leur point de vue a souvent été critique, mais les entendre a été un passage obligé révélateur, qui nous poussera à faire évoluer nos institutions. Nos ambassadeurs se réjouissent de cet appel à l’action qui a été entendu et qui a mobilisé plusieurs acteurs de l’enseignement supérieur. Mais ils nous ont aussi exprimé la crainte que nos actions restent lettre morte après le forum.
Rassurons-les : le milieu universitaire est en mouvement plus que jamais et ne s’arrêtera pas; nous en sommes convaincues. Comme l’a proposé l’œuvre du forum réalisée par Eruoma Awashish, artiste atikamek, « à chacun de nos pas, nous laissons une empreinte. Nous marchons dans les traces de nos ancêtres et traçons en même temps la vie pour les sept prochaines générations. Marcher vers l’avenir, c’est faire émerger les choses ».
Continuons donc d’apprendre et de nous inspirer les uns des autres, à l’image d’un cercle de partage, afin de contribuer, tous ensemble, aux prochains pas qui transformeront nos universités. Demeurons dans l’action dans les pas des étudiant.e.s des Premiers Peuples, en réponse à leurs besoins et à leurs aspirations.
Il y a deux ans, nous avons pris le relais de l’Université d’Algoma qui nous avait remis une pagaie pour marquer le passage. À notre tour, nous souhaitons transmettre aux organisateurs du prochain forum, dont l’annonce du lieu est à venir, un symbole tiré du thème retenu cette année, soit une paire de mocassins qui a été entièrement fabriquée et perlée par Marie-Claude Moreau, artisane de la communauté de Pessamit.
Cette pratique de l’échange est importante dans les cultures autochtones. Nous croyons aussi qu’elle devrait inspirer la façon de mener notre mission universitaire, et même nous inciter à revoir la culture de l’excellence qui mise parfois trop sur la concurrence de nos établissements, plutôt que la collaboration. Voilà, il nous semble, un grand pas que nous devrions faire pour décoloniser nos institutions. Permettez-nous de rêver et d’avoir de l’ambition. Plus nous serons nombreux à porter un tel rêve, plus il risque de devenir réalité.
Nakurmik! Niá:wen! Mikwetc! Tshinashkumitin! Wela’lin! Tiawenhk! Miikwech! Wliwni! Woliwon! Chiniskumitin! Megwetch!
Mme Jean est présidente de l’Université du Québec et coprésidente du sixième Forum national sur la réconciliation. Mme D’Amours est présidente du conseil d’administration d’Universités Canada et rectrice de l’Université Laval.