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À mon avis

Que doivent les universités aux Canadiens?

Le milieu universitaire doit servir de phare au moment de reprendre nos activités en personne.

par MERIC GERTLER | 06 JAN 22

Note de la rédaction : Ce texte d’opinion a été rédigé en novembre 2021, soit avant que le variant Omicron pousse les universités canadiennes à revenir en arrière et à pivoter vers l’enseignement à distance à nouveau.

La réouverture de nombreux campus se poursuivant cet hiver et menant à la reprise graduelle des activités en personne, les taux de vaccination étant à la hausse et le nombre de cas étant pour l’instant raisonnable, un optimisme prudent semble justifié.

À ce moment charnière, quel rôle devraient jouer les universités canadiennes dans la reprise?

Évidemment, les universités contribueront au renouveau économique et à l’acquisition de connaissances. Elles cultiveront le talent et positionneront la société dans la voie de la prospérité. Mais, elles ne s’y limiteront pas. En fait, elles apportent déjà une contribution tout aussi importante.

Lorsque les étudiants, les professeurs et le personnel sont revenus sur les campus, les interactions réelles plutôt que virtuelles ont repris. Montrer à la société comment gérer cette transition avec succès – par une approche réfléchie des mandats de vaccination, l’amélioration des systèmes de ventilation, l’utilisation judicieuse des espaces physiques, l’échelonnement des journées et des heures de travail, etc. – a une incidence considérable sur la reprise économique du pays. Le retour des activités en personne marque un point de bascule. Les universités canadiennes donnent l’exemple par leurs approches.

De cette période prolongée d’interactions virtuelles, nous avons appris que le numérique est loin de remplacer parfaitement les interactions en personne. Les médias numériques nous isolent plus souvent qu’ils nous unissent. La confiance, la tolérance et la cohésion sociale se sont effritées. Il est devenu plus difficile de surmonter nos différences d’opinions et plus facile pour nos communautés de se fragmenter en « tribus » aux valeurs et aux visions du monde discordantes. Nos comportements de collégialité en ont souffert.

Alors que nous reprenons nos activités en personne, c’est le moment de retrouver notre capacité à apprendre de nos divergences, de discuter avec nos pairs sans les aliéner et d’entendre de nouvelles idées sans nous retirer dans des communautés insulaires de pensée unique. Imaginez les gains pour la société si nous étions plus aptes à apprendre les uns des autres.

Le retour sur les campus nous offre l’occasion de restaurer cette aptitude essentielle et de servir de modèle pour les autres. Ce rôle vital des universités comprend trois grandes responsabilités.

La première, veiller à ce que nos campus continuent d’accueillir, d’appuyer et de favoriser d’importantes discussions sur des questions délicates et controversées. Le dialogue et le débat sont le moteur de la vie universitaire. Pour y arriver, un « pluralisme délibéré », pour reprendre l’expression utilisée par Ron Daniels, recteur de l’Université Johns-Hopkins, dans son livre What Universities Owe Democracy, peut s’avérer nécessaire, notamment en donnant l’exemple par la tenue de débats publics et sains sur des sujets importants qui secouent notre société. Comment promouvoir la vérité et la réconciliation? Comment reconnaître le mouvement Black Lives Matter et en tirer des leçons? Quels changements seront provoqués par les révélations #MOIAUSSI? Quel rôle jouer dans la lutte contre les changements climatiques?

Les communautés universitaires doivent aborder ces sujets difficiles pour faire avancer le progrès social et, objectif tout aussi important, pour enseigner les principes fondamentaux du civisme. En nous acquittant de cette responsabilité, nous renforcerons notre capacité à instruire des citoyens démocratiques, prêts à participer pleinement à la vie civique pendant et après leur passage sur nos campus.

Étroitement liée à la première responsabilité des universités, la deuxième est de favoriser une diversité sous toutes ses formes : diverses origines, expériences et perspectives doivent pouvoir coexister sur nos campus.  Après tout, jongler avec des idées nouvelles, inhabituelles ou créant des malaises dans le cadre d’une quête commune de connaissances favorise la compréhension, la découverte et l’innovation. Un débat sain et un pluralisme délibéré requièrent un milieu intellectuel hétérogène.

Cela nous mène à la troisième grande responsabilité qui incombe aux universités : l’égalité d’accès aux études universitaires pour les étudiants et l’égalité des chances pour le personnel et le corps professoral. Nos établissements ont un rôle particulier à jouer en offrant de multiples possibilités aux étudiants défavorisés et sous-représentés, notamment les Autochtones et les Noirs, en leur permettant de faire des universités un tremplin de la mobilité sociale et une source d’idées nouvelles. Pour ce faire, les universités doivent demeurer ouvertes et accessibles au plus large éventail possible d’étudiants, de professeurs et d’employés potentiels et, surtout, tenter de les dénicher au lieu d’attendre qu’ils se manifestent. Cela signifie qu’il faut recruter de manière ciblée et s’engager à aider les étudiants.

Toutefois, la pandémie a fait émerger de nouvelles difficultés qui guettent les principes du pluralisme, de la diversité et de l’égalité des chances, en plus d’exacerber d’autres problèmes déjà bien connus. Nous devons reconnaître l’ampleur des défis et nous y attaquer dès maintenant. Au moment de retourner sur les campus, concentrons nos énergies à éliminer les obstacles, à former nos concitoyens, à favoriser les débats et à discuter de la différence. Ce faisant, nous montrerons à la société comment bien y arriver, et pourquoi il est crucial de le faire. Voilà ce que doivent les universités aux Canadiens.

Meric Gertler est recteur de l’Université de Toronto et préside le conseil d’administration d’Universités Canada.

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