Que vous soyez passionné de culture des orchidées, de pédagogie universitaire, de bandes dessinées de superhéros ou de philosophie des sciences, il existe un balado quelque part, créé pour vous, par des passionnés comme vous. Et vous y avez accès gratuitement partout dans le monde, qu’il ait été produit au Québec ou ailleurs.
La consommation et la création de balados ne cessent de croître depuis les 10 dernières années. Le magazine Forbes rapportait qu’en 2020 plus de 100 millions d’Américains ont écouté régulièrement des balados et que ce nombre pourrait atteindre 125 millions en 2022. La majorité des auditeurs ont entre 18 et 49 ans.
Au Canada, selon une étude récemment publiée par l’Observatoire des technologies médias (OTM), malgré une légère baisse constatée au début du confinement – près de la moitié des individus écoutent des balados en se déplaçant en transport en commun ou à pied – une hausse est constatée depuis l’autome et le pourcentage d’adultes âgés de 18 à 49 ans qui écoutent des balados est de 22 pour cent plus élevé qu’il y a trois ans.
Dès 2004, un journaliste de The Gardian, Ben Hammersley, constatait déjà la croissance phénoménale de ce qu’il a appelé la « révolution audible ». Il anticipait d’ailleurs ce « boom de la radio amateur » qu’il hésitait à nommer « audioblogging » (les blogues étaient à la mode à l’époque) ou « podcasting ». Les qualités de ce nouveau support audio lui semblaient évidentes : plus intimiste, portable, interactif, et dont le format préenregistré libère l’auditeur des contraintes de temps et d’espace associées aux émissions de radio en direct.
J’aime bien moi-même écouter des balados pendant mes marches ou mes déplacements en auto. C’est d’ailleurs en faisant de trop longues marches que j’ai eu l’idée de créer un balado pour l’un de mes cours (PHI3900 éthique et professionnalisme). Cette expérience m’a permis de comprendre comment et pourquoi le balado est un outil privilégié pour apprendre.
Se concentrer sur le contenu
Les balados ont des avantages certains. Les contenus audio sont souvent gratuits. Ils sont aisément accessibles grâce à nos appareils mobiles et sont « consommables » en mode multitâches. On peut les écouter en faisant la lessive, en promenant le chien, en courant ou dans les transports.
Produits avec des logiciels simples, faciles à utiliser et à un prix abordable, ils peuvent de surcroît cibler un auditoire en fonction de ses préférences et de ses passions, et cela, sans les limitations géographiques.
Lorsque le contenu intellectuel est plus exigeant, l’écoute sous forme de balado permet de mieux se concentrer sur l’information véhiculée. Entre « entendre » et « comprendre », il y a parfois un pas, que le balado permet de franchir.
D’ailleurs, les apports pédagogiques de la baladodiffusion sont bien documentés et de nombreuses initiatives de développement de contenus pédagogiques sous forme de balado ont vu le jour en enseignement universitaire. Les premières tentatives s’inscrivaient dans une pédagogie classique fondée sur l’idée que l’apprentissage se fait d’abord par l’écoute.
Le balado utilisé dans un contexte de pédagogie générerait aussi plusieurs effets positifs comme : l’accroissement de la performance scolaire, de la motivation, de l’engagement et de la satisfaction des étudiants, de même qu’une diminution de leur anxiété.
Créer un lien plus humain
Selon une étude publiée en 2007 par des chercheurs de l’Université Charles Sturt, en Australie, entendre la voix d’un professeur ou toute voix humaine permettrait d’accroître le sentiment de communauté chez les apprenants et réduirait le sentiment d’isolement.
En effet, il se dégage à l’audio un intrigant sentiment de proximité entre celui qui parle et celui qui écoute. Écouter, par exemple, les balados du regretté anthropologue Serge Bouchard, est comme se faire raconter dans le creux de l’oreille les beautés de la culture innue ou l’histoire de nos ancêtres coureurs des bois.
Contrairement à la formation par appel vidéo, qui crée chez certains étudiants une forme d’isolement, le balado ouvre une voie intéressante pour recréer le lien humain nécessaire à l’apprentissage. Celui que j’ai créé pour mon cours me permet d’enrichir non seulement ma relation avec ma communauté d’apprenants, mais aussi avec l’étudiant qui, individuellement, écoute ce contenu audio et tente d’apprendre.
Apprendre en se déplaçant
Certains de mes étudiants ont cinq, parfois six, cours universitaires par semaine. Puisque la plupart de ces cours sont en ligne, en direct, les étudiants passent de 15 à 18 heures par semaine assis devant leur écran, sans compter les travaux et autres interactions.
Le balado offre une autre possibilité que ces exigeantes rencontres en vidéoconférences : écouter le professeur au moment de son choix en faisant une marche ou dans les transports.
Chaque semaine, j’enregistre donc dans mon « studio-bureau » équipé de microphones et d’une console des capsules audio où je présente les contenus du cours. Pour chaque module, j’explique les tâches à accomplir pour atteindre les objectifs du module et j’en profite pour créer une relation avec ma classe et mes étudiants, pour répondre aux questions posées par ces derniers, pour tisser des liens entre le contenu du module et l’actualité.
Je diffuse d’abord en direct l’enregistrement du balado sur la plateforme de cours, mais les étudiants qui ont des contraintes d’horaires peuvent l’écouter plus tard via les platesformes de diffusion les plus connues (Apple podcast, Spotify, Google podcast).
50 épisodes, 2 500 téléchargements
Le balado que j’ai créé cible très précisément les enjeux et thèmes de mon cours, mais également les principales questions qui préoccupent les étudiants inscrits à ce cours. Sa diffusion, une fois par semaine, aide les étudiants à garder le rythme et à rester connectés non seulement avec leur cours et leur professeur, mais aussi avec leurs collègues.
Les statistiques sont concluantes : 50 épisodes diffusés en un an et près de 2 500 téléchargements. Le balado est principalement téléchargé au Canada (85 pour cent), mais aussi aux États-Unis (9 pour cent), où résident certains de mes étudiants, en France (2 pour cent) et en Italie (1 pour cent). Les étudiants choisissent principalement d’écouter le balado sur Spotify (40,5 pour cent), mais sur d’autres platesformes également, dont Apple podcast (23,2 pour cent) et Google podcast (8,8 pour cent).
Ce projet m’a permis de recréer, de façon dynamique et dans un format adapté à la génération d’étudiants inscrits dans ce cours, une véritable communauté de pratique et d’apprentissage. Au fil du temps, cette communauté s’est agrandie. Elle comprend maintenant non seulement les étudiants inscrits à mon cours à distance, mais également d’anciens étudiants qui sont restés abonnés au balado. Je diffuse même des entrevues avec d’anciens étudiants, qui parlent des réalités du monde du travail et expliquent comment le cours les a préparés à résoudre des problèmes éthiques sur le terrain.
Alors qu’attendez-vous pour créer votre propre balado? À vos micros!
Jean-François Sénéchal est chargé d’enseignement à l’Université Laval.
Cet article a été publié à l’origine sur le site Web La Conversation. Lisez le texte original.