Demandez aux professeurs ce qui les empêche le plus de faire leur travail. Beaucoup attribueront la charge supplémentaire à l’interminable succession de politiques, de règles, de directives et de formulaires qu’on leur impose. D’autres mentionneront les demandes fréquentes d’information redondante, les politiques divergentes, les conflits d’horaires et les réunions de faible importance qui commencent ou finissent en retard.
Bon nombre de ces problèmes résultent de l’attention accrue que les universités et d’autres établissements doivent accorder aux questions de santé et de sécurité, de gestion des risques, d’éthique en recherche sur des sujets humains et animaux, ainsi que de droits et de libertés de la personne. D’autres par contre sont causés par la délégation répétée des responsabilités administratives, souvent sans que la personne de l’échelon « inférieur » qui devra faire le travail supplémentaire et celles à qui incombe la réalisation de la mission fondamentale de l’établissement soient consultées.
La structure multiniveaux de rapports numériques conçue pour réduire la charge de travail des bureaucrates aggrave le problème, ne réussit que très rarement à réduire le nombre d’administrateurs qui prennent part au processus et produit souvent le résultat contraire. Chaque échelon supplémentaire de la hiérarchie augmente les tâches administratives du corps professoral, qui manque alors de temps et d’occasions pour réaliser son mandat d’enseignement, de recherche et de service. Le personnel essentiel de première ligne fait face à des difficultés semblables.
L’absence de consultation révèle un style d’administration fondé sur la hiérarchie qui suscite de la confusion, de la frustration, de la colère et du ressentiment. Pire, il est souvent décalé par rapport à ce que vivent les professeurs. Les politiques et les procédures conçues dans le contexte des activités courantes des administrateurs s’appliquent souvent très mal au quotidien des professeurs.
Par exemple, les politiques et les procédures sur la gestion des risques et les soins aux animaux illustrent bien ce décalage. Définies par des administrateurs bien intentionnés et par ailleurs efficaces, elles s’avèrent un échec lorsque leurs auteurs manquent d’expérience pertinente sur le terrain. Des problèmes comparables surviennent lorsque les administrateurs surchargés doivent répondre aux nombreuses demandes de la haute direction et du gouvernement.
Bien qu’il soit impossible d’éliminer la bureaucratie, l’application de lignes directrices simples issues de pratiques exemplaires peut vraiment la réduire. Ces lignes directrices ont deux retombées importantes : 1) elles permettent la prise de décisions collégiales qui favorisent un milieu de travail collaboratif et efficace et la réalisation d’objectifs communs et 2) elles réduisent la charge de travail de tous les employés.
Les structures bureaucratiques varient selon l’établissement, tout comme le style d’administration et le soutien offert au personnel et au corps professoral. Les administrateurs d’établissements progressifs et collégiaux trouveront peut-être qu’ils mettent déjà en pratique bon nombre de ces lignes directrices.
Voici donc quelques lignes directrices simples fondées sur les pratiques exemplaires en matière de bureaucratie :
1. Les politiques, les règles et les formulaires devraient contribuer au bien commun et être accompagnés d’explications claires.
2. Aucune politique ou règle ne devrait restreindre les capacités d’une personne à effectuer ses tâches essentielles.
3. Les mesures administratives devraient soutenir, preuve à l’appui, le mandat principal de l’établissement en facilitant les efforts des employés directement responsables de la réalisation de ce mandat.
4. Le travail des bureaucrates et des administrateurs devrait incomber uniquement à ceux-ci.
5. Lorsqu’un nouveau problème administratif survient, la première question à se poser devrait être : est-il possible de le résoudre sans créer un nouveau formulaire ou une nouvelle règle ou politique?
6. Toute nouvelle règle ou politique et tout nouveau formulaire devraient remplacer au moins une règle, une politique ou un formulaire existant.
7. Aucun formulaire modifié ne devrait être plus long que la version précédente.
8. À l’exception des identifiants déjà fournis, les formulaires, les rapports, les enquêtes et les sondages ne devraient jamais exiger de renseignements autres que ceux disponibles ou demandés dans les autres formulaires, rapports, enquêtes et sondages.
9. Aucune politique ne devrait exiger l’approbation ou l’autorisation de règles ou de comportements déjà abordés dans d’autres politiques ou dans les règles, les lois et les règlements gouvernementaux.
10. Tous les documents qui exigent une signature devraient aussi porter la signature de leur auteur.
11. Les processus, les règles ou les procédures devraient être supervisés ou modifiés uniquement par des personnes qui en ont une expérience pratique.
12. Les formulaires, les rapports et les sondages devraient être utiles aux personnes qui les remplissent.
13. Les formulaires devraient uniquement être créés par les personnes qui les remplissent.
14. Avant toute distribution, les formulaires doivent être vérifiés afin de corriger les éventuelles erreurs d’utilisation, puis examinés par au moins une autre personne devant les remplir.
15. Les formulaires, les enquêtes et les sondages devraient inclure le nom et les coordonnées de leur auteur et du plus haut responsable qui les a approuvés.
16. Les formulaires électroniques devraient être conçus et transmis dans un format convivial et pouvoir être remplis et signés à l’aide de n’importe quel logiciel grand public.
17. Les destinataires des formulaires, des enquêtes et des sondages électroniques ne devraient jamais être obligés d’en imprimer une copie.
18. Tous les sigles et acronymes présents dans un formulaire, un rapport ou une communication générale doivent d’abord être définis au long.
19. Les formulaires, les rapports, les enquêtes et les sondages devraient appeler des réponses binaires (p. ex. oui ou non) simples.
20. Les courriels, les réponses et autres types de correspondance devraient être envoyés uniquement aux personnes à qui ils sont destinés.
21. Toute mesure administrative qui n’exige pas d’intervention rapide devrait être considérée comme superflue.
Douglas Morris est professeur émérite de biologie à l’Université Lakehead.