L’adaptation aux réalités de l’enseignement à distance a été difficile. La pandémie de COVID-19 a causé une situation d’urgence dans notre province (Ontario), et de nombreux étudiants ont dû transformer des chambres à coucher en bureaux, des tables de cuisine en salles de classe et des stationnements en points d’accès WIFI. Bien que tous les apprenants en Ontario aient dû s’adapter pour surmonter les obstacles, ceux-ci ont été amplifiés pour de nombreux étudiants handicapés.
Imaginez une minute que vous êtes atteint de cécité partielle et avez besoin d’un lecteur d’écran pour naviguer dans des plateformes en ligne comme Zoom. Imaginez que vous vous connectez à votre première conférence à distance du semestre, enthousiaste à l’idée d’être de retour dans la classe (virtuelle). Pour encourager la participation, votre instructeur commence par inviter les étudiants à poser des questions en utilisant la fonction de clavardage. Alors que votre instructeur donne son exposé qui encourage la réflexion, votre lecteur d’écran commence à réciter à voix haute les questions et les commentaires de vos pairs, ce qui a pour effet de noyer la voix de l’instructeur.
Un étudiant nous a récemment décrit une situation de ce genre. « J’entendais deux choses en même temps, ce qui était distrayant et faisait qu’il était très difficile de suivre le cours », a-t-il expliqué. Comme Zoom était nouveau pour lui, il n’était pas certain de la façon de désactiver le clavardage ou comment poser une question ou formuler un commentaire.
Ce n’est qu’un exemple de la difficulté unique que peut présenter l’apprentissage à distance pour de nombreux étudiants handicapés ou étudiants ayant d’autres besoins en matière d’accessibilité. Pour en apprendre davantage sur les types de soutien dont les étudiants, en particulier les personnes handicapées, auront besoin pour réussir dans un environnement d’apprentissage en ligne cet automne, nous avons interviewé des représentants des étudiants, des membres du corps professoral et du personnel des collèges et universités de l’Ontario ainsi que des défenseurs communautaires. Nous avons également sondé plus de 600 étudiants, dont environ 200 ont déclaré avoir une incapacité. Plus tard cet été, nous publierons un rapport qui résumera les données que nous avons recueillies et renfermera des conseils pratiques pour les établissements afin de favoriser la réussite des étudiants pendant la pandémie et au moment de la reprise.
Même si nous sommes encore en train d’analyser les données, nous aimerions vous faire part de quelques-unes des recommandations qui ont été formulées jusqu’à maintenant pour améliorer l’accessibilité. Nous espérons que ces recommandations aideront les membres du corps professoral et du personnel à se préparer à la session d’automne :
Faites appel à vos collègues
Dans l’exemple fourni plus haut, nous avons décrit un étudiant dont l’expérience serait nettement meilleure si la fonction de clavardage était désactivée pendant le cours ou s’il avait accès à des instructions lui expliquant comment naviguer dans les plateformes de cours (p. ex., comment utiliser Zoom avec un lecteur d’écran). Dans un cas comme dans l’autre, pour répondre aux besoins de cet étudiant, il faut faire preuve d’empathie et se livrer à une certaine réflexion stratégique à l’avance – il s’agit de deux aspects que le personnel des collèges et universités peut aider le corps professoral à gérer alors qu’il conçoit et donne les cours.
Les personnes interviewées ont souligné à maintes reprises la nécessité d’une collaboration entre le corps professoral et le personnel pour créer des environnements d’apprentissage accessibles. Suivant leurs conseils, nous encourageons les instructeurs des établissements postsecondaires de l’Ontario à tirer parti de l’expertise des centres locaux d’enseignement et d’apprentissage (p. ex. conseillers en enseignement et en apprentissage, spécialistes en élaboration de programmes d’études, spécialistes de la technologie pédagogique) ainsi que de l’expertise des bureaux chargés d’appliquer la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO) et des bureaux pour les étudiants handicapés. Ces spécialistes sont souvent des experts des principes de la conception universelle de l’apprentissage (UDL) et peuvent contribuer à la conception et à la prestation des cours pour l’automne, ce qui peut aider à alléger le fardeau des étudiants (et des membres du corps professoral) qui sinon devront peut-être demander des mesures d’adaptation.
Habiliter les étudiants à faire des choix qui répondent à leurs besoins
Bien que le programme UDL puisse certainement aider à optimiser l’apprentissage pour la majorité des étudiants, il n’est malheureusement pas toujours possible de concevoir et de donner les cours d’une manière qui réponde aux besoins de tous les apprenants en même temps. La bonne nouvelle et qu’en parlant honnêtement du format des cours et de ce qui est nécessaire pour y participer et réussir, les enseignants peuvent encourager les étudiants à faire des choix de cours qui conviennent à leurs buts et besoins d’apprentissage individuels (à condition que des mesures d’adaptation répondant à leur handicap soient offertes).
Les représentants des étudiants que nous avons interviewés ont parlé d’une variété de préférences et de besoins personnels. Par exemple, un étudiant sourd ou malentendant peut préférer regarder des cours asynchrones avec sous-titrage codé plutôt que des cours synchrones diffusés par Zoom. Un étudiant ayant une déficience cognitive qui apprécie la possibilité de faire une pause, de ralentir et de reprendre le contenu peut avoir une préférence semblable, surtout si l’accès à des mesures d’adaptation comme la prise de notes est entravé par la pandémie. Pour un autre étudiant, le fait d’avoir un horaire fixe de cours magistraux et de groupes de discussion en direct pourrait contribuer à sa motivation.
Les élèves savent ce qui fonctionne pour eux. S’il existe divers formats de cours parmi lesquels choisir et que le catalogue de cours publié avant le début du semestre précise comment les cours se donneront, les étudiants peuvent choisir les cours qui répondent le mieux à leurs besoins.
Les enseignants doivent également s’efforcer de communiquer dès que possible l’information sur les exigences des cours et les attentes entourant la participation. De cette façon, les étudiants peuvent obtenir des ressources dans un format accessible (p. ex., des textes en gros caractères) ou prendre des mesures d’adaptation, au besoin. La communication rapide de l’information sur les attentes peut également aider à atténuer l’anxiété des étudiants quant à ce à quoi ils peuvent s’attendre, ce qui favorise leur bien-être et les encourage à poursuivre les cours.
Perfectionnement des compétences personnelles et transférables
Enfin, la plupart des personnes interviewées nous ont rappelé que tous les étudiants, et non seulement ceux ayant une incapacité ou des besoins en matière d’accessibilité, auront besoin de compétences transférables particulières pour réussir leur apprentissage à distance et en ligne. Des compétences comme la littératie numérique, la gestion du temps, l’autoefficacité et l’organisation seront essentielles cet automne, et elles continueront d’être utiles après l’obtention du diplôme.
Les enseignants peuvent faciliter l’acquisition de ces compétences dans le cadre de leurs cours en suggérant des calendriers pour l’exécution des travaux, en particulier pour les cours asynchrones, et des modèles ou gabarits de gestion du temps.
Les établissements d’enseignement et les enseignants devraient également envisager de communiquer des stratégies d’apprentissage à leurs étudiants, soit en classe, soit au moyen d’activités parallèles comme des ateliers, des vidéos en ligne ou des fiches-conseils qui incitent les étudiants à ajuster et à appliquer certaines de leurs stratégies d’apprentissage dans un contexte en ligne.
Nous nous étendrons sur ce sujet important dans notre prochain rapport. Nous nous appuierons sur les recommandations ci-dessus et transmettrons des conseils supplémentaires sur les aspects pratiques de l’enseignement accessible à distance et en ligne. On nous a également beaucoup parlé des aspects positifs de l’apprentissage à distance du point de vue de l’accessibilité, et nous les aborderons et fournirons des réflexions sur la façon de mettre en valeur les aspects positifs.
Entre-temps, nous reconnaissons que les instructeurs vivent une période stressante. Les étudiants nous ont dit la même chose. Ils comprennent que le déplacement des cours en ligne représente beaucoup de travail, surtout pendant une pandémie mondiale. C’est pourquoi nous vous encourageons à faire appel aux soutiens que vous offre votre établissement, à accepter l’idée que (tout en disposant de renseignements complets) les étudiants savent ce qui marche bien pour eux et à échanger vos idées avec vos pairs (comme le font des professeurs comme Mme Campbell (Ph. D) sur Twitter) plutôt que de réinventer la roue. En travaillant ensemble, les établissements et les enseignants peuvent s’assurer que tous les étudiants réussissent cet automne et par la suite.
Jackie Pichette est directrice, Politiques, recherche et partenariats au Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) et Jessica Rizk y est chercheuse. Le COQES est un organisme autonome du gouvernement de l’Ontario qui effectue de la recherche afin d’améliorer le système d’éducation postsecondaire ontarien.