À l’université, les étudiant.e.s consacrent beaucoup de temps à rédiger ou à réaliser des travaux; leurs professeur.e.s passent ensuite à leur tour beaucoup de temps à évaluer ces mêmes travaux, qui finissent bien souvent, au bout du compte, dans la corbeille numérique ou physique, sans autre forme de procès.
Pourquoi? C’est qu’il s’agit souvent de travaux jetables.
Comme le dit David Wiley, un travail jetable « n’offre aucune valeur au monde qui nous entoure – une personne consacre trois heures à la rédaction, une autre 30 minutes à l’évaluation, et puis on s’en débarrasse ». Le schéma vous est familier et vous aimeriez tenter une nouvelle approche? Vous pourriez intégrer des travaux non jetables à vos futurs cours.
Qu’est-ce que des travaux non jetables?
Selon David Wiley et John Levy Hilton, un travail pédagogique peut être catégorisé de quatre façons, dont trois sont non jetables :
- Usage unique : on crée un simple objet.
- Authentique : on crée un objet dont la valeur dépasse la simple utilité pédagogique.
- Constructiviste : on crée un objet dont la valeur dépasse la simple utilité pédagogique, et qui est diffusé dans l’espace public.
- Renouvelable : on crée un objet dont la valeur dépasse la simple utilité pédagogique et qui est diffusé dans l’espace public sous licence libre.
En somme, le travail non jetable propose une valeur qui dépasse la mission pédagogique individuelle, parfois en en faisant bénéficier l’espace public par le biais d’une licence libre.
Comme l’expliquent Sally Seraphin et ses collègues, ce type de travail peut prendre plusieurs formes. Parfois, on demande à la classe d’apprendre en dehors des murs de l’université : en présentant le travail à un groupe communautaire, en publiant un texte d’opinion ou en participant à des discussions sur les médias sociaux, par exemple. On voit aussi des projets qui vont au-delà du temps imparti au cours, comme la mise en place d’un répertoire libre ou accessible par toutes les cohortes, ou la création de ressources en ligne qui resteront disponibles après la fin du cours.
Les avantages
Le principal avantage d’un travail pédagogique non jetable, c’est qu’il génère une valeur qui dépasse l’apprentissage individuel. Si M. Wiley ne nie pas l’efficacité pédagogique d’un travail jetable, il se désole plutôt qu’on passe à côté d’une bonne occasion. Comme il le conclut avec John Levy Hilton, « chaque année, on consacre des heures et des heures à préparer et à noter des travaux, qui sont ensuite jetés à la poubelle », alors qu’on peut tout à fait concevoir « des travaux qui contribuent à la fois à l’apprentissage des étudiant.e.s et se concrétisent en ressources éducatives libres, nouvelles ou mises à jour, qui procureront des avantages durables à l’ensemble des apprenant.e.s ».
On peut évidemment trouver d’autres avantages aux travaux non jetables. Ils peuvent être intéressants à la fois pour les enseignant.e.s et les étudiant.e.s parce qu’ils permettraient d’évaluer les connaissances tout en faisant appel à la motivation intrinsèque et à la créativité. C’est un moyen de peaufiner des compétences comme la communication et la littéracie numérique. Souvent, ils aboutissent à un projet pédagogique concret, qui peut ensuite être ajouté à un portfolio et mis en valeur lors de la recherche d’emploi.
Comme le concept est relativement nouveau, peu de recherches ont été faites sur l’efficacité des travaux non jetables. Les dernières études sont toutefois prometteuses : une analyse de Stephanie Kirchner Stancil montre que les travaux non jetables amélioreraient la motivation, la confiance et l’apprentissage aux cycles supérieurs.
Concevoir des travaux non jetables
Dans certains cas, on peut facilement adapter les évaluations existantes pour apporter une valeur ajoutée à l’apprentissage individuel. Par exemple, on pourrait jumeler la traditionnelle dissertation à un processus d’évaluation par les pairs qui permet à chaque personne d’apprendre des autres et de s’améliorer. Consultez les réflexions de Peter Wallis sur l’adaptation des travaux pour vous inspirer lorsque vous adaptez vos travaux.
Si vous songez à proposer un travail non jetable, voici des éléments à garder en tête :
- expliquez aux étudiant.e.s comment respecter le droit d’auteur, et donnez-leur des ressources sur le sujet. Les bibliothécaires de votre établissement pourront vous aider;
- élaborez des grilles d’évaluation claires pour bien communiquer les attentes et faciliter l’évaluation;
- si vous pensez proposer un travail qui sera présenté au grand public, réfléchissez aux aspects que vous pourriez intégrer en classe pour aider à la vérification des faits et au contrôle de la qualité;
- il faut tenir compte du fait que certaines personnes pourraient hésiter à dévoiler leurs apprentissages publiquement. Comme le dit Peter Wallis, « on ne devrait pas obliger les étudiant.e.s à diffuser publiquement leur travail sous licence libre. Il leur appartient. On peut le proposer, l’encourager et l’expliquer, mais la décision leur revient ». Vous devriez donc pouvoir offrir une option sans diffusion, si on vous le demande; et
- préparez-vous à expérimenter et à apprendre. Comme l’écrit Rajiv Jhangiani, « il faut un certain courage pour s’arracher au confort et à l’univers connu de la traditionnelle dissertation ». Ne vous attendez pas à la perfection dès le départ.