Les célébrations entourant la collation des grades sont fort agréables – ou du moins, elles l’étaient avant la pandémie. En tant que membre du corps professoral, et plus tard à titre de directrice de département, j’y assistais toujours avec fébrilité. Chaque année, les étudiants se présentaient au banquet en tenue du dimanche (ou, plus précisément, du samedi soir), accompagnés de leurs parents, de leur partenaire et de leurs frères et sœurs pour souligner cette grande étape. La soirée était ponctuée de discours, de quelques plaisanteries aux dépens des professeurs et chargés de cours et de quelques blagues d’étudiants que j’étais heureuse de ne pas comprendre. Et bien sûr, les commentaires sur l’avenir fusaient de toute part.
« J’ai adoré étudier les sciences politiques. Je me demande si j’obtiendrai un emploi un jour. »
« Mes parents ne sont pas certains de savoir comment mes connaissances sur Rousseau me permettront de quitter leur sous-sol. »
« La plupart des employeurs ont besoin de quelqu’un ayant une compréhension approfondie des systèmes électoraux, n’est-ce pas? »
Ce genre de blagues dissimulait à peine les inquiétudes des étudiants quant à leur capacité à accéder au marché du travail et leurs questionnements sur la pertinence de leur contribution à la collectivité. Ils étaient manifestement anxieux devant l’avenir, et doutaient que leurs études universitaires les aient préparés à la suite des choses. Ils savaient que leurs études universitaires leur avaient été personnellement utiles, ne serait-ce que pour satisfaire leurs intérêts personnels, mais ils n’en voyaient pas les retombées et les avantages concrets.
Mes échanges avec mes collègues de différentes disciplines, des STGM (science, technologie, génie et mathématiques) aux beaux-arts, ainsi que dans d’autres universités, me confirment ce constat. De nombreux étudiants, toutes disciplines confondues, arrivent mal à saisir la valeur et la pertinence de leurs études universitaires.
Le fossé perçu entre l’enseignement supérieur et le marché du travail
Comme professeure, je m’inquiète de voir les étudiants aux cycles supérieurs douter de la pertinence de leurs études. Je crois fermement en la valeur de l’éducation postsecondaire, tant sur le plan public que privé. Elle constitue un choix judicieux et mérite d’être financée par des fonds privés (droits de scolarité) et publics. Je crains que le fossé apparent entre les études supérieures et « le monde réel » contribue, au fil du temps, à une dévalorisation sociétale de l’éducation postsecondaire et donc à un sous-investissement dans le domaine.
Au cours des cinq dernières années, j’ai réorienté mes travaux de recherche, mes méthodes d’enseignement et mes activités de dirigeante universitaire pour me concentrer sur l’intégration du perfectionnement professionnel à l’enseignement supérieur. Ce faisant, j’ai découvert que le perfectionnement professionnel va de pair avec ce que bien des gens considèrent comme une formation universitaire « traditionnelle », qu’il s’intègre facilement à l’apprentissage en classe et en ligne et, surtout, qu’il est gratifiant tant pour les professeurs que pour les étudiants.
Au cours de cette même période, j’ai constaté que les secteurs public et privé souhaitaient que les établissements postsecondaires se consacrent davantage à la formation professionnelle. Les questions et les opinions sur le rôle de l’éducation postsecondaire dans le marché du travail d’aujourd’hui et de demain ne manquent pas, comme en témoigne le célèbre rapport de la RBC, Humains recherchés, l’attention accordée par les gouvernements provinciaux aux mesures du rendement postsecondaire (p. ex. les compétences acquises) et l’intérêt général pour le recyclage professionnel, le perfectionnement et les compétences futures.
Nous assistons donc à la naissance d’une stratégie axée sur les compétences postsecondaires. À mon avis, en tant que professeurs et éducateurs, nous avons tout à gagner à participer aux discussions en ce sens pour y jouer le rôle qui nous revient.
Cap sur les compétences
Cette nouvelle chronique Cap sur les compétences vise à soutenir les enseignants universitaires, professeurs et chargés de cours souhaitant inclure la formation professionnelle à leur enseignement. Les compétences abordées engloberont à la fois les compétences professionnelles, comme les communications écrites et la pensée critique, et les compétences appliquées, plus ciblées, comme l’utilisation d’un instrument, d’un outil ou d’un logiciel précis. Je vous présenterai des mesures simples et faciles à appliquer pour aider vos étudiants à perfectionner leurs compétences. J’espère ainsi vous aider à prendre conscience, de votre propre capacité à renforcer les compétences de vos étudiants, en plus de vous inspirer à le faire.
Mes motivations sont multiples. L’enseignement me passionne, et j’aime particulièrement transmettre aux autres le savoir que j’ai acquis à la dure. J’adore amener les gens à modifier leur perception d’un enjeu ou réfléchir à mes propres idées à la lumière de leur opinion ou de leurs expériences. Je me réjouis du fait que les universités aient le potentiel de mettre en œuvre une stratégie axée sur les compétences qui entraînera la transformation dont le Canada aura besoin dans les années et les décennies à venir. Pour exploiter pleinement ce potentiel, je crois que notre enseignement doit être adapté.
Comment cette chronique peut-elle être utile aux professeurs ?
Vous êtes déjà surchargés de travail, et l’idée d’intégrer le développement de compétences à vos objectifs d’enseignement pourrait vous sembler exagérée. Je comprends la situation. Au moment d’écrire ces lignes, les enseignants de tout le Canada continuaient à composer avec la pandémie, l’apprentissage en ligne et les incertitudes relatives au déroulement des prochains trimestres. Vous êtes sans doute nombreux à devoir jongler, comme moi, avec des responsabilités universitaires et familiales tout en tentant de préserver votre santé et votre bien-être. Nous avons depuis longtemps dépassé le stade des responsabilités réalistes. Elles sont maintenant tout simplement excessives.
Pour cette raison, la chronique Cap sur les compétences se concentrera sur des moyens simples à mettre en place sans augmenter votre charge de travail. Et qui sait, peut-être que ces conseils contribueront même à la réduire. Comme la plupart des enseignants, vous transmettez probablement déjà instinctivement à vos étudiants certaines compétences qui leur seront utiles au cours de leur carrière. Mon objectif est de vous aider à multiplier les effets de vos efforts actuels par de petits changements qui s’accumuleront au fil du temps.
Lancer la discussion
Avec ma chronique Cap sur les compétences, j’espère amener les membres du corps professoral, les responsables de l’enseignement et de l’apprentissage et toutes les personnes s’intéressant à la réussite des étudiants à discuter afin que nous apprenions tous les uns des autres.
Prenez bien soin de vous, chers collègues.
Cela m’apparait comme une excellente idée et j’ai bien hâte de consulter cette chronique dans le futur.
Merci beaucoup.