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Comment mettre fin à la violence sexuelle sur les campus?

Les allégations d’agression à l’Université Western ont mené à la révision des politiques partout en Ontario, mais quels en seront les effets?

par EMILY BARON CADLOFF | 22 NOV 21

C’était une belle deuxième semaine de septembre à London, en Ontario, les températures atteignaient les 25 degrés et le soleil brillait, bref, un début de trimestre d’automne idéal à l’Université Western. Un comité d’étudiants de dernière année avait planifié une semaine d’accueil riche en activités, pour que les nouveaux étudiants se familiarisent avec la culture de l’Université et créent des liens. Des centaines d’étudiants enthousiastes et impatients de commencer leur vie universitaire après une année de cours à distance ont déferlé sur le campus.

À la fin de la semaine d’accueil, quatre agressions sexuelles avaient été signalées à l’Université, et des publications sur les médias sociaux avaient fait état de plus de 30 étudiants drogués ou agressés dans la résidence Medway-Sydenham Hall. Une enquête policière a démarré, et bien que les enquêteurs n’aient reçu aucune plainte d’agression officielle, le mal était fait.

En signe de protestation, des étudiants ont organisé une manifestation, appelant à des changements de la part des administrateurs de l’Université. Pendant ce temps, la nouvelle des allégations s’est répandue partout au Canada, conduisant bon nombre de personnes à s’interroger ce qui changerait vraiment.

« Beaucoup d’étudiants et moi-même étions découragés, en colère et avions le cœur brisé », a indiqué Eunice Oladejo, membre du conseil des étudiants de l’Université Western et présidente de l’Alliance des étudiants de premier cycle de l’Ontario. Mme Oladejo a affirmé que par le passé, l’établissement n’avait pas toujours répondu efficacement aux incidents. Selon elle, ces événements représentent un tournant pour l’Université. Elle espère que les dirigeants agiront. « Je veux voir un vrai changement, avec une incidence sur la vie des étudiants, sur le campus et à l’extérieur de celui-ci. »

Les dirigeants de l’Université Western ont déclaré qu’ils souhaitent apporter des changements majeurs. Le nouveau comité d’action de l’Université s’est réuni pour la première fois au début de novembre. Composé entre autres de plusieurs étudiants, il se réunira régulièrement afin de repérer les lacunes dans les politiques en matière de violence sexuelle de l’établissement. L’Université Western est également en train d’embaucher et de former de nouveaux « ambassadeurs de la sécurité », soit des étudiants de dernière année qui travailleront la nuit dans les résidences étudiantes. Tous les étudiants vivant en résidence devront également suivre une formation sur la violence sexuelle et le consentement.

Viser un changement de culture

Alors que l’Université Western cherche à implanter ces changements ainsi que d’autres mesures, ses dirigeants reconnaissent qu’il ne s’agit pas d’un enjeu reposant sur des politiques, mais d’un changement de culture indispensable. Nadine Wathen est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en mobilisation des connaissances sur la violence sexiste et codirectrice du comité d’action de l’établissement. Elle affirme que les activités de la semaine d’accueil « ont renforcé la culture de la fête à l’Université Western, et certainement des aspects de la culture du viol ». Mme Wathen reconnaît également que l’amélioration des politiques de l’Université ne réglera pas le problème en soi. « Nous avons une politique solide et un guide de mise en œuvre et de procédures de 17 pages. Mais si les étudiants ne se sentent pas en sécurité ou pris au sérieux, alors à quoi bon? »

C’est autant les politiques des établissements que la culture actuelle qui a incité le gouvernement provincial à agir. Jill Dunlop, ministre des Collèges et Universités de l’Ontario, a annoncé que les établissements postsecondaires de la province avaient jusqu’à mars 2022 pour améliorer leurs politiques en matière de violence sexuelle. Les étudiants qui signalent des agressions ou des violences ne peuvent faire l’objet d’enquêtes sur leur consommation d’alcool par exemple, et les enquêteurs en milieu universitaire n’ont plus le droit de leur poser des questions non pertinentes, entre autres sur leurs relations sexuelles passées. L’objectif est de réduire les stigmatisations et les obstacles auxquels les étudiants sont confrontés lorsqu’ils décident de dénoncer.

Ces obligations étaient déjà en place, mais Mme Dunlop raconte que la province a pu « accélérer le processus » lorsque les nouvelles sur l’Université Western se sont répandues. Alors qu’il est stipulé que le seuil minimum doit être atteint par les établissements d’ici mars, la manière dont ils y parviendront et la forme que prendront les politiques en matière de violence sexuelle dépendront entièrement d’eux, a ajouté Mme Dunlop. « Nous établissons les grandes lignes que doivent suivre les établissements, mais nous devons ensuite nous assurer que ces derniers mettent tout en œuvre pour soutenir leurs étudiants et leur offrir un environnement sécuritaire. »

« Les universités pourraient aller encore plus loin »

La question reste de savoir si ces changements seront suffisants. Engendreront-ils les résultats visés par les responsables provinciaux et les universités? Amélioreront-ils de manière tangible les conditions de vie des étudiants dans les universités?

Oui et non, affirme Bre Woligroski, coordonnatrice du Centre de ressources sur la violence sexuelle à l’Université du Manitoba. « Les universités pourraient aller encore plus loin », ajoute Mme Woligroski, bien qu’elle soit heureuse de la mise en place des nouvelles obligations en Ontario et l’incidence qu’elles auront dans le pays. À l’Université de l’Alberta, par exemple, les responsables universitaires reconnaissent que les incidents qui se sont produits à l’Université Western ne sont pas isolés, et ils examinent la politique dans l’optique de mettre sur pied une formation portant sur les éléments de preuve. En Colombie-Britannique, le gouvernement a lancé un programme d’études postsecondaires axé sur le consentement éclairé, et au Québec, un vaste projet de recherche s’intéresse à quand et comment les personnes parlent de leurs agressions. D’autres provinces, comme le Manitoba, ont des lois similaires à celles de l’Ontario, qui exigent de la cohérence entre les établissements postsecondaires.

Concernant les actions tangibles, Mme Woligroski propose des analyses contextuelles des établissements afin de déterminer si leurs installations sont sûres et bien éclairées la nuit. Quant aux politiques, elle dénonce une importante lacune du système : « Les politiques arrivent généralement en dernier… Alors les utiliser comme instrument du changement social n’est pas très utile. »

Le plus gros changement qu’un établissement doive amorcer est souvent le plus dur et le plus compliqué à cerner. « Il faudra du temps pour arrêter de considérer l’Université Western comme un endroit où faire la fête », affirme Terry McQuaid, directeur du service de bien-être à l’Université Western et codirecteur du comité d’action. « Je vois les bonnes personnes s’engager, discuter. Nous sommes tous investis. »

Mme Oladejo décrit ces changements comme une première étape encourageante, et espère que l’Université Western et d’autres établissements en Ontario continueront dans ce sens. Les obligations provinciales sont basées sur les recommandations de l’Alliance des étudiants de premier cycle de l’Ontario, et Mme Oladejo espère que les établissements d’enseignement continueront de faire appel à leurs étudiants afin qu’ils leur montrent la voie. D’ici là, elle raconte que les groupes d’étudiants sont « à la recherche d’intervenants pour procéder à des changements sur leurs campus pour que ces faits ne se répètent plus ».

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