Professeure au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec en Outaouais, Martine Peters se souvient de son premier cas de plagiat aux cycles supérieurs : « Ç’a été un réveil brutal, parce que l’étudiant m’a dit “vous ne me l’avez jamais dit, qu’il ne fallait pas faire ça”. Et il avait raison, je pensais qu’il savait. » C’est ainsi qu’elle a commencé à s’intéresser aux infractions à l’université, en particulier au plagiat.
« Je cherche à comprendre le processus et le rôle que jouent les habitudes langagières et la rédaction dans le plagiat », explique-t-elle. Bref, pourquoi les étudiants plagient, et comment leur transmettre les compétences nécessaires pour éviter ce comportement. « Les étudiants qui plagient ne font pas les apprentissages qu’ils devraient faire », constate Mme Peters.
La chercheuse a d’abord obtenu une subvention de développement de partenariat du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada en 2016, et vient maintenant de recevoir du même Conseil une importante subvention qui s’étalera sur sept ans, pour mettre sur pied le Partenariat universitaire sur la prévention du plagiat (PUPP).
Comprendre le plagiat
Plutôt que de comptabiliser les cas de plagiat, ce vaste projet de recherche veut comprendre les raisons derrière le plagiat et les stratégies que les étudiants utilisent lors de la rédaction. Il veut aussi proposer des méthodes pédagogiques pour enseigner aux étudiants les outils, les connaissances et la confiance nécessaires pour faire leurs propres travaux. En effet, les étudiants qui plagient ne sont pas toujours de mauvaise foi. « Ils oublient que ce n’est pas juste les mots qui appartiennent aux auteurs, mais également les idées », remarque Mme Peters.
Les 59 chercheurs et collaborateurs du PUPP s’attarderont à quatre dimensions essentielles pour diminuer le plagiat :
- la capacité de chercher et de trouver de l’information;
- les compétences rédactionnelles;
- la connaissance des méthodes de référencement des documents; et
- la connaissance de ce qu’est le plagiat et pourquoi il ne faut pas le faire.
Aucune recherche ne s’est encore penchée sur ces quatre dimensions à la fois. « Depuis 10 ans, la rédaction a complètement changé avec les outils informatiques. Mais on ne sait pas ce que font les étudiants », reconnaît la professeure.
Décortiquer les méthodes de travail
Pour ce faire, l’équipe équipera des ordinateurs d’un logiciel de surveillance pour observer la façon dont travaillent les étudiants et leurs actions lorsqu’ils ont à écrire un texte universitaire, du moment où ils reçoivent les consignes jusqu’à la remise de leur travail. Ces parcours seront comparés à ceux d’experts en ce type d’écrit, c’est-à-dire les professeurs universitaires.
Les quatre premières années du partenariat seront consacrées à collecter les données de 840 étudiants provenant de 29 universités de partout dans le monde (Canada, États-Unis, France, Angleterre, République tchèque, Slovénie, Portugal et Turquie). La recherche comporte un autre aspect unique, c’est-à-dire une collecte de donnée en anglais et en français, en langue maternelle et seconde. « Plusieurs recherches sur le plagiat auprès d’étudiants étrangers montrent que les stratégies utilisées dans la langue seconde sont différentes de celles utilisées dans la langue première, et que les étudiants sont portés à plagier lorsqu’ils rédigent dans une langue dans laquelle ils ne sont pas à l’aise », souligne Mme Peters. Les chercheurs soupçonnent également que la dimension culturelle joue un rôle dans l’action de plagier. « Les étudiants n’ont pas tous la même formation de base », rappelle-t-elle.
Prévenir au lieu de punir
Dans un deuxième temps, le partenariat vise à élaborer du matériel et ainsi offrir des solutions au plagiat. « On veut prévenir plutôt que punir. Quand la punition arrive, il est trop tard », affirme Mme Peters. Les professeurs ne sont pas tous outillés pour prévenir cette pratique, sans compter le décalage fréquent entre leurs attentes et les connaissances des étudiants. Les chercheurs ont en effet constaté dans le cadre du projet financé par la subvention de développement de partenariat, auquel neuf partenaires québécois ont participé, que presque tous les étudiants s’attendaient à être formés à l’université sur les quatre dimensions énumérées plus haut. Or, de nombreux professeurs considéraient que ces compétences étaient plutôt acquises au cégep.
Ceux qui plagient étant perdants, qu’ils se fassent attraper ou non, les stratégies proposées outilleraient les pédagogues pour mieux préparer les étudiants, et ultimement éviter le plagiat. « Ils vont à l’université pour apprendre quelque chose. S’ils font de meilleurs apprentissages, ils vont être meilleurs sur le marché du travail », résume la chercheuse.