Passer au contenu principal
Matière à réflexion

Vous n’êtes pas seul à souffrir du syndrome de l’imposteur

Les groupes d’entraide entre pairs, les ateliers donnés par les universités et un encadrement positif peuvent aider à combattre un sentiment d’incompétence.

par KELLY BURCHELL-REYES | 14 AVRIL 21

Avez-vous parfois l’impression que vous cumulez les erreurs dans le cadre de vos études supérieures et que d’un jour à l’autre, on s’apercevra que vous n’y avez pas votre place, et ce, même quand vous réussissez? Résistez-vous aux compliments? Attribuez-vous vos succès à des coups de chance? Si vous avez tendance à vous croire incompétent ou à constamment vous comparer à vos collègues, vous souffrez peut-être du phénomène de l’imposteur. Quand on souffre de ce mal, aussi appelé syndrome de l’imposteur, on a tendance à se sentir inadéquat, voire comme un usurpateur, alors qu’en réalité, on réussit.

Le terme « syndrome de l’imposteur » sous-entend que le problème vient de la personne qui en souffre. Par contraste, le terme « phénomène de l’imposteur » attire l’attention sur l’environnement dans lequel le problème survient. S’il est important de prendre soin de soi pour lutter contre ce sentiment, il faut aussi agir à plus grande échelle et cultiver des environnements de travail positifs en amont. C’est d’autant plus vrai pour les personnes qui sont plus enclines au syndrome de l’imposteur, dont les femmes et les membres de groupes minoritaires.

Vous n’êtes pas seul

Jenny Flanagan, postdoctorante en biophysique à l’Université du Michigan, se souvient que pendant son doctorat en chimie physique, à l’Université du Texas (Austin), elle attendait constamment qu’on remarque son incompétence. Elle a d’ailleurs eu besoin de la validation de son directeur et de ses collègues. « La première fois que j’ai présenté une communication devant d’autres spécialistes, raconte-t-elle, j’étais terrifiée. J’étais convaincue que mes collègues de laboratoire étaient trop gentils pour dire quoi que ce soit, mais que je serais certainement démasquée à ce colloque. Cette crainte ne s’est jamais avérée, car mes résultats étaient exacts, mais elle pesait constamment sur moi, même quand je publiais des articles, encadrais d’autres étudiants et conseillais d’autres laboratoires en matière d’instrumentation. »

Elle parle aussi de la difficulté de se lancer dans des projets de recherche novateurs sur des sujets peu étudiés : « Je craignais d’être la première à publier sur un sujet, puis de m’apercevoir que je m’étais trompée! Mais je me suis aussi fait la réflexion que le progrès scientifique consiste essentiellement à découvrir et à rectifier les angles morts d’autres chercheurs. »

Ouvrir le dialogue avec les pairs

Le phénomène de l’imposteur est loin d’être rare chez les étudiants aux cycles supérieurs, mais il n’est pas toujours abordé en public. Les groupes Facebook Women Scientists et Grad School Memes with Relatable Themes offrent respectivement aux chercheuses et aux étudiants des cycles supérieurs un espace ouvert qui leur permet de souligner leurs bons coups et de parler de leurs problèmes communs, ce qui encourage des échanges essentiels sur le syndrome de l’imposteur. Il peut aussi être utile d’en parler à d’autres membres de sa cohorte et de compatir avec eux pour prendre conscience qu’on n’est pas seul à souffrir du syndrome de l’imposteur. On risque même d’être surpris par le nombre de personnes qui en souffrent ou qui en ont souffert. Le fait d’en parler, en ligne ou en personne, pourrait aussi aider quelqu’un d’autre à surmonter cet obstacle.

L’appui de collègues bienveillants peut parfois aider à lutter contre un sentiment d’inadéquation. Encouragez vos collègues chercheurs en faisant la promotion de leur travail et en les félicitant pour leurs bons coups sur les réseaux sociaux. Par exemple, le groupe @BoldWomenInChem met en valeur les travaux de différentes chercheuses à l’Université du Texas (Austin). Les étudiants aux cycles supérieurs et les professeurs qui veulent offrir un avenir meilleur aux cohortes de demain peuvent miser sur la sensibilisation et des environnements de travail sains.

« Mes pairs m’aident énormément », indique Dominique Maucieri, étudiante à la maîtrise en écologie communautaire marine à l’Université de Victoria. « Ils m’encouragent, soulignent mes réussites et me rappellent mes compétences et ma valeur en tant que chercheuse, et je leur rends la pareille. »

Mentorat et ateliers : des outils pour aller mieux

Le phénomène de l’imposteur peut aussi être endigué au sein d’un établissement d’enseignement ou d’un groupe de recherche.

Il vaut la peine de se renseigner sur les ateliers offerts par les services aux étudiants des cycles supérieurs et les associations étudiantes. Par exemple, chaque mois, l’Université de Toronto offre des ateliers virtuels de deux heures aux étudiants des cycles supérieurs (voir le prochain atelier sur Eventbrite).

Hunter Lowe, étudiant à la maîtrise en physique à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, avance toutefois que malgré les efforts des universités pour lutter contre le phénomène de l’imposteur, celui-ci trahit la nature même des études supérieures : « De plus en plus d’ateliers sont offerts pour aider les étudiants aux cycles supérieurs à faire des choix sains, mais le problème demeure, car nous ne savons jamais combien de travail nous sommes censés accomplir. » Le caractère asymétrique des études supérieures et la grande diversité des expériences font qu’il est difficile de comparer les progrès des étudiants.

Les universités et les professeurs ont un rôle important à jouer. « Ma directrice essaie d’animer des discussions, des séminaires et des réunions pour aider les étudiants du département à surmonter leur syndrome de l’imposteur », souligne Mme Maucieri. Elle invite à discuter avec les pairs et les mentors pour accéder à ce genre de ressources, mais aussi à tirer parti des séminaires virtuels. Sa directrice lui a également conseillé de conserver tous les courriels qui contiennent des compliments ou des félicitations. « Quand j’ai le sentiment d’être une impostrice, je les relis pour me rappeler que ce n’est tout simplement pas vrai. » Ce conseil s’applique aussi aux courriels de remise de prix, aux lettres de recommandation et aux messages bienveillants envoyés par des amis.

Pour certains chercheurs, les petits changements concrets jouent un rôle décisif. « On m’a donné mon propre bureau avec mon nom sur la porte, et je pense que cela m’a aidé », raconte Matthew Gill, étudiant à la maîtrise en sciences de la terre à l’Université Memorial.

Victoria Veas Roy, qui étudie à la maîtrise en médecine cellulaire et moléculaire à l’Université de Montréal, a vécu une expérience similaire lors d’un stage coopératif dans une entreprise de biotechnologie. La personne qui la supervisait était patiente, donnait des explications précises et montrait qu’elle croyait en ses capacités, ce qui a permis à l’étudiante de gagner en assurance et en compétence dans le laboratoire.

Mme Flanagan est d’accord : les mentors bienveillants jouent un rôle important dans la lutte contre le phénomène de l’imposteur. À cet effet, elle cite son directeur : « En tant qu’étudiante, vous êtes ici pour apprendre. Si vous saviez déjà tout, faire des études supérieures serait une perte de temps. »

Quelle est votre expérience du phénomène de l’imposteur? Comment faire pour instaurer un climat positif et bienveillant aux cycles supérieurs? Laissez un commentaire ci-dessous!

À PROPOS KELLY BURCHELL-REYES
Kelly Burchell-Reyes
Kelly Burchell-Reyes est candidate au doctorat à l’Université Laval, où elle étudie la synthèse organique des produits naturels.
COMMENTAIRES
Laisser un commentaire
University Affairs moderates all comments according to the following guidelines. If approved, comments generally appear within one business day. We may republish particularly insightful remarks in our print edition or elsewhere.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. Sanae Rahoum. / 6 décembre 2023 à 18:07

    Le phénomène de l’imposteur est une expérience courante pour de nombreuses personnes, y compris les étudiants des cycles supérieurs. Il se caractérise par le sentiment d’inadéquation et de doute quant à ses propres compétences, malgré des preuves de réussite. Certaines personnes attribuent leurs succès à la chance plutôt qu’à leurs propres mérites et ont du mal à accepter les compliments.

    Il est essentiel de reconnaître que vous n’êtes pas seul dans cette expérience. De nombreux étudiants des cycles supérieurs ressentent la même chose et il est important de trouver des espaces où vous pouvez en parler ouvertement, que ce soit en ligne ou avec vos pairs. Les groupes de soutien, tels que les groupes Facebook mentionnés dans le texte, peuvent offrir un soutien et une compréhension mutuelle précieux.

    Il est également important de cultiver un environnement de travail positif et bienveillant. Encouragez vos collègues et félicitez-les pour leurs réussites. En soutenant les autres, vous pouvez contribuer à créer un climat où les réalisations sont célébrées et où chacun se sent valorisé.

    Le mentorat peut également jouer un rôle crucial dans la lutte contre le phénomène de l’imposteur. Un mentor bienveillant peut vous aider à prendre conscience de vos compétences et de votre valeur en tant que chercheur. Ils peuvent vous fournir des encouragements et des conseils précieux pour vous aider à surmonter vos doutes.

    Enfin, il est important de se rappeler que le progrès scientifique et académique repose sur la découverte et la correction des erreurs. Personne n’est parfait, et il est normal de faire des erreurs en cours de route. Apprenez à accepter et à apprendre de vos erreurs, plutôt que de les considérer comme une preuve de votre incompétence.

    En résumé, le phénomène de l’imposteur est une expérience commune, mais il existe des moyens de le surmonter. Trouvez un soutien auprès de vos pairs, cultivez un environnement de travail positif et bienveillant, recherchez un mentor bienveillant et apprenez à accepter vos erreurs comme des opportunités d’apprentissage.

  2. TAHI Najib / 2 janvier 2024 à 04:59

    Bonjour en tant qu’etudiant a l’université Hassan 2 faculté des sciences juridiques économiques et sociales a Casablanca en S1 filière EPI je souhaite partager mon expérience et mon avis et vous dire que malgré mon ancienne expérience académique ou aussi professionnelle en tant que directeur d’une société de vente et de conseil de matériel industriel depuis 20 ans je souffre moi aussi du syndrome de l’imposteur et je pense que personne n’est épargné de ce sentiment mais qui est a surmonter avec l’aide de notre entourage familial universitaire mais aussi professionnel tout en activant l’effet pigmalien que chacun de nous possede en fond de lui même et ce n’est que de cette manière qu’on va pouvoir nous aider nous même tout en aidons les autres à surmonter ce syndrome.Merci