Tandis que les salles de lancer de hache qui poussent aux quatre coins de l’Amérique du Nord s’ajoutent aux choix de sortie pour une soirée, au Canada, des étudiants-athlètes pratiquent cet art depuis des décennies.
Les jours de semaine, de septembre à novembre ainsi qu’en janvier et février, le bruit des haches et des tronçonneuses ne ment pas : les Woodsmen de l’Université du Nouveau-Brunswick sont à l’entraînement sur leur campus à Fredericton. Ces jeunes athlètes gardent bien vivant le savoir-faire des bûcherons d’autrefois rendu obsolète par la foresterie moderne. « C’est un peu comme le rodéo, explique Emma Berton, membre des Woodsmen. C’est une pratique ancienne qu’on perpétue par plaisir, même si elle a perdu sa raison d’être. »
L’Université du Nouveau-Brunswick est l’un des six établissements postsecondaires de la Canadian Intercollegiate Lumberjacking Association, une association fondée en 1997. Les compétiteurs s’affrontent quatre fois par an dans une série d’épreuves à réaliser individuellement, en duo ou en équipe de six. Certaines épreuves, comme le lancer du bois de papeterie, où des rondins sont lancés entre deux poteaux, exigent un grand effort physique, tandis que d’autres demandent de la dextérité. Pour l’ébullition de l’eau, les participants n’ont qu’un morceau de cèdre, une hachette et trois allumettes. Celui qui le premier fait bouillir l’eau dans son contenant de métal l’emporte.
« J’aime la poussée d’adrénaline, déclare Brad Constantine, entraîneur de l’équipe étudiante. C’est un beau sport. On essaie d’aller le plus vite possible. » L’aspect traditionnel lui plaît aussi. « C’est un art qui se perd, mais ce sont les compétences sur lesquelles s’est bâtie l’industrie forestière du Nouveau-Brunswick. »
Si les membres fondateurs des Woodsmen dans les années 1960 étaient tous des hommes et des étudiants en foresterie, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ouvert aux étudiants de tous les programmes, le club accueille des femmes depuis 1976. De nos jours, la gent féminine compose d’ailleurs le tiers des effectifs.
« On part à peu près tous du même point », affirme Alyssa van de Riet, étudiante de troisième année en génie civil. En effet, si beaucoup de Canadiens jouent au hockey depuis leur plus jeune âge, la plupart des bûcherons sportifs, hommes et femmes, commencent à l’âge adulte.
La recrue Erinn Chambers a décidé d’essayer après avoir assisté à une démonstration pendant la semaine d’orientation. Ayant grandi à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, un lieu dont l’histoire est intimement liée à celle de l’industrie forestière, elle connaissait le rôle de la forêt dans l’économie et la culture locales. Mais l’escalade de poteau et le lancer de hache étaient nouveaux pour elle. « J’ai découvert ça il y a deux semaines! »
À présent, l’étudiante de deuxième année en génie civil se familiarise avec les outils – haches, tronçonneuses et sciottes – et la terminologie de la discipline : un « biscuit » est une tranche circulaire coupée au bout d’un rondin, un « tourne-billes » est une perche servant à manipuler les billes de bois sur une rampe, et l’expression « pound the vee » signifie lancer un rondin pile entre deux autres. Chaque fois qu’elle s’entraîne, Mme Chambers apprend son sport – et préserve un bout d’histoire.
« Pour moi, l’important est de garder le sport en vie, déclare M. Constantine. J’aimerais que la tradition perdure, pour que les prochaines générations puissent en profiter aussi. »