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Le CV commun canadien passe au crible

Les trois organismes subventionnaires de recherche ont annoncé la refonte du CVC.

par WENDY GLAUSER | 04 OCT 17

Le CV commun canadien (CVC), un outil normalisé, simple à première vue, permet aux chercheurs de verser leur curriculum vitæ dans les systèmes des principaux organismes auxquels ils soumettent leurs demandes de financement. Après 15 ans toutefois, l’outil, en réalité pas si simple, subit une transformation majeure, dont il ne se remettra peut-être pas.

Lors de son lancement en 2002, le CVC devait faciliter la vie des chercheurs, qui allaient pouvoir utiliser le même CV, peu importe le concours. En réalité, la plateforme en ligne est lourde et désuète. Les chercheurs ont exprimé leurs frustrations dans des billets de blogue et des gazouillis enflammés. « Nous n’obtenons jamais rien de bon du CVC », affirme Jim Woodgett, directeur de la recherche à l’Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum à l’hôpital Mount Sinai de Toronto.

Le CVC a même fait l’objet de critiques dans le rapport de 2017 du Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale, présidé par David Naylor, ancien recteur de l’Université de Toronto. Le Comité y a souligné l’« interface Web complexe et difficile à utiliser », les pannes fréquentes et l’« architecture rigide qui empêche la saisie de messages de forme
libre ».

En juillet, les trois organismes responsables du CVC (les Instituts de recherche en santé du Canada [IRSC], le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches en sciences humaines) ont annoncé que le « CV commun canadien fait actuellement l’objet d’une refonte ». (Entre-temps, il est encore utilisé pour les concours.)

Adrian Mota, vice-président intérimaire responsable de la gestion des concours aux IRSC, affirme cependant que le conseil d’administration des trois organismes envisage de créer un tout nouvel outil. Selon lui, les consultations des prochains mois permettront de répondre à certaines questions : Dans quelle mesure l’outil peut-il être corrigé? Serait-il avantageux de le corriger? Doit-on viser un CVC 2.0 ou une plateforme différente?

Au sujet de la dernière question, M. Mota indique que les consultations examineront la possibilité de remplacer le CVC par un outil d’importation des données des chercheurs, comme les plateformes PubMed ou ORCID. Étant donné les multiples possibilités à envisager, M. Mota ne peut dire à quel moment l’application actuelle sera remplacée.

En plus des trois principaux bailleurs de fonds, le secrétariat du CVC consultera les 24 autres organismes qui utilisent la plateforme, dont le Conseil des arts du Canada et la Fondation canadienne pour l’innovation, ainsi que des chercheurs et des administrateurs de recherche.

L’un des problèmes majeurs du CVC est apparu dans l’année suivant son lancement, se remémore M. Woodgett. « À l’approche de chacune des dates limites de dépôt des demandes, le fichu système tombait en panne, car des milliers de chercheurs travaillaient à leurs dossiers », explique-t-il. Les pannes ont diminué au fil des ans, mais d’autres bogues sont apparus, comme les énigmatiques messages d’erreur lorsque les chercheurs tentaient d’utiliser le même CV pour deux concours.

« Chaque concours avait des exigences différentes. Au moment de présenter une demande à un nouveau concours, nous voyions soudainement le CVC se remplir de marques d’erreur en rouge, indique Holly Witteman, professeure adjointe au département de médecine familiale et d’urgence à l’Université Laval. L’idée d’un CV “commun” n’est que théorique. »

Il peut être laborieux de modifier le CVC, que ce soit pour respecter les exigences d’un concours ou ajouter des travaux récents. Dans le cas d’un article de revue par exemple, le volume, les numéros de page et les autres renseignements doivent être inscrits dans des champs distincts. Lorsque la plateforme était particulièrement lente, il fallait parfois de 30 secondes à une minute pour modifier un simple numéro de page, selon Bruce Allen, professeur de recherche à l’Institut de cardiologie de Montréal. La création de son CVC pour une demande de subvention il y a quelques années « a semblé avoir duré des semaines », relate-t-il.

Il est si pénible d’utiliser l’outil que plusieurs universités ont acheté le logiciel, CCV Sync, qui simplifie la mise à jour du CVC. De l’avis de Diego Macrini, chef de la direction de Proximify, l’entreprise à l’origine du logiciel, le problème vient du fait que le CVC répond aux besoins des organismes et non des chercheurs qui l’utilisent. « Avant d’offrir un logiciel, il faut en mettre à l’essai une version bêta auprès des utilisateurs, ce qui n’a jamais été le cas du CVC », souligne M. Macrini.

M. Woodgett craint que rien ne change. « Les organismes responsables ont annoncé l’arrivée prochaine d’une nouvelle version, mais nous n’avons pas été invités à donner notre avis », déclare-t-il.

M. Mota reconnaît qu’aucune version bêta n’a été mise à l’essai lors de la dernière refonte importante en 2012. « L’application était extrêmement lente et présentait de nombreux bogues. L’interface était difficile à utiliser. Est-ce qu’il aurait pu en être autrement? Je crois que nous aurions pu mieux faire », indique-t-il, même s’il n’a pas participé directement à ce projet.

Cette fois, M. Mota affirme qu’un plan de consultation détaillé sera mis en oeuvre dans les prochains mois. Une fois la nouvelle plateforme créée, dans quelques mois ou quelques années,
« notre objectif est de tester une version bêta auprès des utilisateurs », précise-t-il.

« Nous comprenons très bien les commentaires [du rapport du Comité], et nous reconnaissons que le CVC doit être amélioré », ajoute M. Mota. Il souligne que les prochaines consultations ne mèneront pas à un exercice comme celui de la refonte de 2012. « Nous n’allons pas nous contenter d’apporter des correctifs superficiels à l’application. Il nous faut adopter une vision, et les commentaires des utilisateurs expérimentés fourniront des balises claires. »

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  1. Line Rochefort / 4 octobre 2017 à 15:51

    Bonjour,
    Je suis tellement d’accord avec ce constat: « le problème vient du fait que le CVC répond aux besoins des organismes et non des chercheurs qui l’utilisent ». Et non seulement est-il difficile de le remplir mais un évaluateur expert d’une demande a beaucoup plus de difficulté à ce faire une tête du CV du chercheur que lorsque ce dernier est obligé de fournir un CV livre mais maximum 5 pages et les 5 dernières années de réalisation. Ainsi on choisit et on laisse tomber ce qui importe moins. Avec la demande de synthèse à faire faire au chercheur-évaluateur, moi j’ai retiré mon nom de la liste des évaluateurs potentiels pour les demandes liées avec des CVC. Il y a une limite à tout pousser le travail sur le dos des chercheurs – on devient de plus en plus des administrateurs que des chercheurs.