Pour parvenir à progresser au sein d’un monde en rapide évolution marqué par une mondialisation grandissante, un transfert de pouvoir économique vers les pays émergents et un déclin de la population active, les gouvernements, les entreprises et les universités du Canada devront entamer d’importants changements, estime Kevin Lynch, ancien fonctionnaire de haut rang et actuel vice-président de BMO Groupe financier.
« Le statu quo n’est plus une option », a-t-il affirmé lors d’un discours prononcé à la conférence du Conseil ontarien sur la qualité de l’éducation, tenue le 1er novembre à Toronto. M. Lynch a invité les universités à collaborer avec les entreprises afin de stimuler la productivité en perte de vitesse du Canada, de concentrer les ressources dans des secteurs clés de la recherche et d’établir la réputation d’excellence du secteur canadien de l’enseignement supérieur dans les marchés étrangers. (Il a tenu des propos similaires lors de la conférence Killam 2012 à l’Université d’Ottawa le 5 novembre.)
Reprenant les propos du récent rapport Jenkins, M. Lynch a comparé les universités et les entreprises canadiennes à deux solitudes. Le Canada, a-t-il expliqué, possède d’excellents établissements d’enseignement axés sur la recherche et un secteur privé dynamique. « Il n’y a cependant pas d’interaction entre les deux. La rencontre des deux secteurs entraînerait pourtant une réaction magique, et cette magie s’appelle innovation. »
Alors que la Chine connaît la croissance économique la plus rapide et dépasse ainsi les États-Unis (de loin le principal partenaire commercial du Canada), la coopération et la collaboration entre les deux secteurs seront de plus en plus nécessaires. D’ici la fin de la décennie, l’Asie devrait compter pour près de 50 pour cent du PIB mondial, a fait remarquer M. Lynch.
Parallèlement, les sociétés occidentales vieillissent et la proportion de Canadiens en âge de travailler diminue. À moins que cette population active réduite augmente sa productivité, le Canada verra son niveau de vie diminuer. La seule façon, selon M. Lynch, d’accroître la capacité concurrentielle du Canada sans diminuer les revenus consiste à stimuler la productivité.
Pourtant, la productivité du Canada est en baisse. Son taux de croissance au cours des 10 dernières années a été le pire enregistré depuis la Seconde Guerre mondiale. Le Canada se classe au 20e rang des pays industrialisés pour les dépenses du secteur privé consacrées à la recherche-développement. « Comment se démarquer dans un monde de plus en plus dicté par la productivité et l’innovation? », a-t-il demandé.
M. Lynch est président du conseil d’administration de l’Université de Waterloo et siège au conseil d’administration de l’École de commerce Shannon de l’Université du Cap-Breton. Il vient tout juste d’être nommé fiduciaire de la Fondation Killam à compter de janvier 2013. Avant de prendre sa retraite de la fonction publique fédérale en 2009, M. Lynch a été greffier du Conseil privé, secrétaire du Cabinet et chef de la fonction publique du Canada. Il a également été sous-ministre des Finances et de l’Industrie.
Dans le discours qu’il a prononcé à Toronto, M. Lynch a pressé les universités de travailler collectivement à la création d’une image de marque nationale, plutôt que de chercher à améliorer leur position individuelle. Sur les marchés étrangers, « votre image de marque repose d’abord et avant tout sur votre pays, puis sur votre établissement, a-t-il expliqué. Si vous croyez que l’Université X ou le Collège communautaire Y peuvent se démarquer dans un environnement extrêmement complexe comme celui de l’Inde ou de la Chine, vous êtes fous ».
Beaucoup de pays paieraient cher pour disposer des avantages dont profite le Canada, comme son économie et sa situation financière enviables, son abondance de ressources naturelles et ses établissements bien établis, a-t-il poursuivi. « Nous avons tout ce qu’il faut, mais nous ne sommes pas parvenus à en faire une image de marque. Il faut relever ce défi. »
Les universités canadiennes devraient également concentrer leurs ressources dans les secteurs de la recherche où elles excellent. « Je crois que nous devrions remporter quelques prix Nobel. Nous investissons énormément d’argent dans la recherche et les universités, mais nous n’arrivons pas à récolter de prix. » Ceux-ci permettraient de montrer aux Canadiens que les investissements publics en appui à l’enseignement supérieur en valent le coup, poursuit-il. Ils montreraient aux chercheurs canadiens qu’ils comptent parmi les meilleurs au monde, et aideraient les universités à attirer d’excellents chercheurs étrangers.
Pour gagner des prix prestigieux, il faudra toutefois faire des choix, a-t-il précisé. Il cite l’Institut Perimeter, dont il est membre du conseil d’administration, qui illustre bien ce qu’il est possible de réaliser lorsque les ressources sont ciblées.
M. Lynch a livré un message similaire lors de la prestigieuse conférence Killam quelques jours plus tard à Ottawa, en présence du gouverneur général du Canada, David Johnston. Il a clos son discours dans la Capitale nationale par trois recommandations :
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Le Canada doit mettre sur pied un conseil de la productivité et de l’innovation qui aurait pour mandat de comparer les pratiques du Canada à celles des concurrents et aux meilleures pratiques mondiales, et de faire part de ses résultats aux entreprises.
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Le Canada doit envisager la création d’environ cinq instituts de recherche appliquée de calibre mondial qui cibleraient les secteurs où le Canada se démarque en recherche et a des chances de devenir un chef de file mondial. Il faudrait cependant être prêt à prendre des risques. Ces instituts seraient le fruit d’un partenariat entre l’industrie, le gouvernement et les universités.
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Le Canada doit se tourner vers l’extérieur pour trouver de nouveaux partenaires. Les étudiants doivent recevoir une formation ouverte sur le monde, et les universités doivent hausser leurs exigences en matière d’apprentissage d’une langue seconde, accroître les possibilités de séjours d’études à l’étranger et offrir davantage de programmes d’études novateurs.
Le Canada compte des gens qui innovent, mais « personne ne qualifierait le Canada de pays axé sur l’innovation ou de nation d’innovateurs, a conclu M. Lynch. Il ne faut pas nous contenter d’être dans la moyenne. Nous devons être ambitieux et oser faire les changements qui s’imposent. »